L’action contre les mines en 2018
Les évolutions du déminage tiennent beaucoup aux mutations récentes des contextes d’intervention. Thomas Hugonnier, responsable du département Action contre les mines à HI, nous explique les caractéristiques du déminage aujourd’hui.
Les équipes de déminage de HI travaillent à la dépollution des restes explosifs de guerre dans les champs dans un village bombardé il y a une quinzaine d'années lors de l'intervention américaine en Irak. | © Blaise Kormann/L’illustré/HI
Je vais partir de deux exemples opposés : nous menons des opérations de déminage en Colombie depuis le début de l’année. Dans ce pays, nous collons à la lettre au Traité d’Ottawa[1]. Je veux dire par là que nos opérations de déminage suivent un processus de paix entre les anciennes parties prenantes au conflit : un accord a été signé en 2016 et les opérations de déminage humanitaire ont été lancées dans la foulée, permettant de libérer des terres, de réduire le nombre de victimes et les risques de tension entre anciens belligérants qui seraient causées par de nouvelles victimes. Le déminage humanitaire participe ainsi pleinement à la consolidation de la paix dans le pays. Il est même devenu un argument entre le gouvernement et l’ELN (Armée de libération nationale) qui n’a pas signé l’accord. Les deux parties proposent un « geste de paix » qui pourrait s’illustrer par du déminage humanitaire, et ceci permettrait de renforcer la confiance mutuelle…
Intervenir dans un pays en conflit
Au contraire, en Irak, nous menons des opérations de déminage depuis 2016 dans un contexte de guerre. L’Irak connait une contamination historique due aux conflits des années 80 et 90, puis une contamination récente liée au conflit actuel, marquée par le recours intense aux bombardements et à l’utilisation d’engins explosifs improvisés (EEI), ce qui expose les équipes de déminage humanitaire à de nouveaux défis techniques, mais aussi éthiques.
Principe de neutralité
En effet, pour intervenir, un certain nombre de principes s’imposent à nous. Être particulièrement attentif à ce que la « neutralité » de HI soit évidente pour la population. Nous intervenons pour la sécurité des populations civiles, et jamais au bénéfice d’aucune partie prenante au conflit. C’est pourquoi nous menons nos opérations de déminage dans des zones qui ne sont plus des « zones d’hostilité actives », c’est à dire où il n’y a plus de front et de combats. Leur choix reposant sur une analyse fine des dynamiques du conflit pour nous permettre d’intervenir dans des zones stabilisées dans lesquelles les populations civiles tentent de retrouver une vie normale.
Deuxième principe, lutter contre les armes non-discriminantes. Le combat de HI contre les mines antipersonnel est avant tout motivé par le fait que cette arme touche indifféremment militaires et population civile. De la même manière, la plupart des EEI utilisés dans les conflits récents sont déclenchés par la victime elle-même lors de son passage, en activant un fil dissimulé ou en ouvrant une porte. Ainsi, nous considérons que ce type d’engins explosifs rentre dans le champ d’action du Traité d’Ottawa, et les victimes doivent être protégées par cette convention internationale Les EEI représentent également un enjeu technique : nos démineurs sont spécialement formés à ce qu’on appelle le Highly Risk Search : les « enquêtes à haut risque ». Car chaque mine improvisée est différente de l’autre et les détecter est une activité délicate.
Enfin, dernier principe, HI répond à la globalité des besoins humanitaires en Irak, le déminage étant seulement une partie de ces besoins. En Irak, HI fait de la réadaptation physique, du soutien post-traumatique, et du soutien en santé mentale et accompagnement psychosocial auprès des victimes du conflit.
La mobilisation citoyenne
HI mène la campagne Stop Bombing Civilians contre les bombardements des civils et appelle les citoyens à signer la pétition pour faire pression sur les Etats et les inciter à s’engager contre l’utilisation des armes explosives en zones peuplées, pratique aveugle qui tue et blesse en grande majorité des civils. En 2016, 43 000 personnes ont été tuées ou blessées par des armes explosives. Quand elles sont utilisées en zones peuplées, les armes explosives tuent à 92 % des civils. Dites non aux bombardements des civils, signez la pétition.
[1] Le Traité d’Ottawa interdit l'acquisition, la production, le stockage et l'utilisation des mines antipersonnel. Le Traité a été ouvert à signature le 3 décembre 1997. Il est entré en vigueur le 1er mars 1999. 163 États en sont signataires. 162 sont États parties au Traité. Entre autres obligations, le Traité demande aux Etats parties de déminer leurs territoires contaminés en 10 ans.