« Depuis que j’ai été amputé, je me sens comme enfermé dans une prison »

Ancien chef d’entreprise, Anatoly espérait pouvoir un jour profiter pleinement de sa retraite avec sa femme Tatyana, une fois que la guerre serait terminée. Mais le 19 avril 2024, un missile a frappé la cour de son immeuble et l’a grièvement blessé.

J’étais dans la cour quand il y a eu une énorme explosion

« C’était deux ans après l’escalade de la guerre et deux jours après le mariage de ma fille. Nous venions de rentrer chez nous dans la région du Donbass après avoir célébré l'événement. J'étais dehors dans la cour et Tatyana m'a appelé pour dîner. Au même moment, il y a eu une énorme explosion. J'ai été projeté contre le mur de notre maison. Les dommages causés à mes jambes étaient terribles - je saignais abondamment et je souffrais terriblement. Les secours sont arrivés et ont fait ce qu'ils pouvaient pour me stabiliser, mais la blessure à la jambe était grave et ils étaient débordés par le nombre de personnes - mes voisins, des piétons qui passaient par là - qui avaient besoin d'aide. Trois personnes ont été complètement déchiquetées et au moins 12 autres blessées ; il y avait des morceaux de corps partout. En quelques minutes nous avons dû évacuer avec ma femme et laisser derrière nous tous nos biens, toute notre vie.

J’ai été pris en charge dans la région de Dnipro, bien que les traitements soient très onéreux. L’état de mes jambes a continué à se dégrader au fur et à mesure. La blessure provoquée par l’explosion était si grave qu’elle avait détruit mes vaisseaux sanguins et provoqué une grave thrombose. Les plaies se sont infectées. Le 29 août 2024, on m'a amputé d'une jambe et le lendemain, de l'autre. Cela m’a anéanti.

Du jour au lendemain, j’ai perdu toute mon indépendance

Du jour au lendemain j’ai perdu toute mon indépendance, ma capacité à travailler et subvenir aux besoins de ma famille. Désormais j’ai l’impression d’être enfermé dans une prison. Je suis le plus souvent forcé de rester au lit qui est à peine assez grand pour m'accueillir. Mon épouse est devenue mon aide-soignante à plein temps, et je vois bien le poids que cela représente pour elle. Avant, nous formions un couple si actif et si dynamique. Aujourd'hui, je suis complètement dépendant d'elle pour tout.

Je n’ai même pas accès à l’abri anti-bombardement

Aujourd’hui, nous vivons au neuvième étage d'un immeuble résidentiel et nous sommes quatre dans un appartement d'une pièce : ma mère, ma belle-mère, ma femme et moi. L'ascenseur de l'immeuble fonctionne rarement et mon fauteuil roulant n'entre pas dedans, donc je suis coincé dans l’appartement. On voulait choisir un appartement plus grand en rez-de-chaussée mais les personnes handicapées sont souvent stigmatisées en Ukraine et on a pensé que personne ne voudrait nous louer un tel bien. Ici, je n’ai même pas accès à un abri anti-bombardement.

Ce soutien nous rappelle que nous ne sommes pas seuls

Nous avons tant sacrifié pour cette guerre. L’un de mes six enfants a été tué dans un bombardement alors qu’il rentrait du travail. Quand je pense à tout ce qui nous est arrivé, je suis très triste. J'espère que personne ne devra jamais savoir ce que c'est que de vivre quelque chose comme ça.

Aujourd’hui, j’essaie de m’enregistrer afin d’obtenir le statut de personne handicapée mais cela prend du temps et coûte de l’argent. C’est dans ce cadre que l’on a été soutenu, financièrement par HI. J’espère qu’à terme je pourrai porter des prothèses. Nous sommes très reconnaissants de l'aide que nous recevons. À une époque où tant de choses semblent désespérées, ce soutien nous est très précieux. Il nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. »