« Cela me permettra de continuer d’avancer, en attendant des jours meilleurs »
Naayem a 35 ans. En 2013, elle a fui le conflit en Syrie avec sa famille et a trouvé refuge en Jordanie. Amputée depuis son enfance, elle bénéficie des services de Handicap International (HI) et a été appareillée d’une nouvelle prothèse par l’association.
Naayem et Aya, lors de la prise de mesure. | © Elisa Fourt / HI
Aujourd’hui, les patients sont nombreux au centre de Handicap International (HI) de Mafraq. Plusieurs dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants attendent patiemment leur consultation. Tous sont là pour la même raison : l’association organise un atelier de prothèses et orthèses pour la deuxième fois ce mois-ci. Certains viennent pour essayer leur nouvelle prothèse, d’autres pour prendre leurs mesures en préparation d’un appareillage, d’autres encore pour recevoir une nouvelle paire de chaussures orthopédiques. Parmi les personnes assises dans la salle d’attente, une jeune femme se distingue. Naayem attire immédiatement l’attention. Ce n’est pas la jambe artificielle qui apparait sous sa longue robe, mais son sourire communicatif et ses yeux invitant à la discussion, que l’on remarque d’abord quand on l’aperçoit. La Syrienne de 35 ans ne paraît pas aussi anxieuse que ses voisins dans la salle d’attente. C’est peut-être parce qu’elle est habituée à ce genre de situation. « J’ai perdu ma jambe il y a près de 30 ans, alors j’ai déjà changé de prothèses de nombreuses fois au cours de ma vie. Pour moi, c’est devenu une sorte de routine », dit-elle.
Naayem a été blessée lorsqu’elle était encore une petite fille, en Syrie. Un jour, alors qu’elle jouait devant sa maison, un réservoir d’eau lui est tombé dessus. « On m’a immédiatement emmenée à l’hôpital et j’y suis restée un mois. Les médecins n’avaient pas d’autre choix que de m’amputer pour me sauver la vie… Le fait que je sois alors encore petite m’a permis de vite m’habituer à ma prothèse. Comme j’étais en pleine croissance, elle était changée environ tous les ans. »
L’accès aux soins n’a jamais été un problème pour Naayem, jusqu’à ce que la guerre touche son pays. « En 2013, nous avons décidé de fuir avec mon mari et mes enfants. Nous sommes montés dans notre voiture et nous avons pris la route de la Jordanie. Nous ne voulions pas vivre au milieu des combats, qui ne faisaient que s’intensifier au fil des années. » Naayem arrive alors au camp de réfugiés de Zaatari avec sa famille et des informations lui sont données sur les services disponibles dans le pays. « Le nom de votre association apparaissait dans la liste. Je vous ai contacté car ma prothèse était très abîmée et je ne pouvais plus marcher correctement avec. Votre équipe a pris mes mesures et m’en a rapidement donné une nouvelle. »
Quatre ans plus tard, Naayem a quitté le camp pour une ville jordanienne et sa prothèse doit être changée à nouveau. C’est la raison pour laquelle elle s’est rendue à l’atelier de l’association aujourd’hui. « J’attends que l’on prenne mes mesures », dit-elle patiemment. Lorsque vient son tour, Aya, spécialiste en appareillage, l’accueille avec un grand sourire. Elle ausculte la jambe de Naayem et prépare le moule pour une nouvelle prothèse.
Il faudra encore attendre quelques semaines avant que Naayem ne reçoive sa nouvelle jambe artificielle. La mère de six enfants explique que cela lui simplifiera le quotidien. Elle prend la main de sa fille qui l’accompagne, remercie l’équipe de l’association et reprend la route du modeste abri où elle vit avec le reste de sa famille, proche de la frontière syrienne. Après presque sept ans de conflit, elle ne sait pas si elle rentrera un jour dans son pays. « Que cela soit ici ou là-bas, nous n’avons plus rien… Alors, pour être totalement honnête, c’est très dur de penser au futur. Mais au moins, ma nouvelle jambe me permettra de continuer d’avancer, en attendant des jours meilleurs », conclut-elle avant de quitter le centre.